vendredi 22 janvier 2016



  Les Indicibles petites meringues de Cthulhu




     Cette nuit, une lune gibbeuse lorgne les montagnes de son œil pâle et inamical. Un air froid, tel le souffle de quelque enfer glaciaire, s’écartèle à travers les branches griffues et décharnées des arbres étiques qui tapissent les pentes de la vallée de Mandailles, dans ces bois séculaires et secrets que pas la lame d’une hache n’a effleurés et où, depuis des temps immémoriaux, sommeillent d’effroyables secrets...

     Dans la petite ville d’Aurillac, livrée aux ténèbres et à ses indicibles mystères, il n’est pas un bruit pour égratigner de son écho l’obscurité de tombe. Même les chats, à cette heure maudite, sont rentrés se terrer dans leurs abris... Eux, mieux que les hommes, savent qu’il est de noire heures où des portes s’ouvrent sur des abîme stygiens de démence cosmiques que les êtres de ce monde ne peuvent côtoyer qu’au péril de leur corps... et de leurs âmes.

     Pourtant, dans la nuit immense, des silhouettes hagardes et échevelée sortent de chez elle, tels de grotesque pantins, leur yeux vides et exorbités braqués sur le néant, pour se tourner toutes vers la même direction... 

     Alors, leurs visages blafards levés vers l’immensité hostile du ciel, elles se mettent à psalmodier, d’une seule voix, ces odieuses vocalises que jamais gorge d’homme, ni d’aucune créature vivante à la surface de cette Terre, ne devrait prononcer... Ces sons plus anciens que la vie elle-même, ces sons blasphématoires que prononçaient déjà, en de noirs éons, les anciens maîtres de cette terre, sous les étoiles complices : 



      « Ph'nglui mglw'nafh Cthulhu R'lyeh wgah'nagl fhtagn."



     Et ce faisant, de lever leur main droite dans laquelle ils étreignent une odieuse petite meringue verte, vous entendez inspecteur ? Verte comme lui, l’effroyable rejeton d’un enfer oublié ! Lui, le gluant, le glauque, qui attend en rêvant dans sa cité sous-marine de R’lyeh, que les étoiles soient de nouveau propices, comme cette nuit, et que ses nouveaux serviteurs croquent les effroyables pâtisseries pour se métamorphoser, devenir ses esclaves servants et conquérir le monde pour lui...

     Mais... Mais que faites-vous inspecteur ? Pourquoi cette chemise qui s’attache dans le dos ? Je ne suis pas fou, inspecteur ! Je l’ai vu de mes yeux vu ! Les petites meringues ! Les immondes petites meringues ! C’est grâce à elles qu’il va conquérir le monde... Ça a déjà commencé ! Il faut les arrêter inspecteur ! Il faut les arrêter ! Les étoiles sont alignées ! Les meringues ! Les effroyables meringues...



     La fin de cet affligeant témoignage est trop décousu pour qu’on le retranscrive ici...



     Hé ! Hé ! Voilà une entrée en matière tournée à la manière de Tonton Lovecraft, avec un max d’adjectifs et de mots qu’on n’emploie pas tous les jours comme « Gibbeuse » ou « indicible ».... 

     Pour ceux qui ne connaitraient pas Toton Lovecraft, sachez qu’il s’agit d’un des écrivains de littérature fantastique américain les plus notables du XXème siècle dont l’œuvre influença (et influence encore) un nombre d’auteurs de romans, de bandes-dessinées, de films, de jeux de société ou de jeux vidéo impressionnants. Le plus ironique est qu’il ne rencontra le succès qu’après sa mort.

     Sa plus grande création, et celle qui marqua le plus les esprits, fut celle de toute une mythologie sinistre partant du principe que des créatures effroyables, avant l’aube des temps, les Grands Ancien, auraient vécu sur Terre jusqu’à ce que les étoiles leurs soient devenues néfastes et qu’elles fussent enfermées dans des tombes profondes, sous les mers de ce mondes, ou dans des étoiles éloignées... Mais elles ne sont pas mortes, seulement endormies, et envoient des rêves à leurs adorateurs, car un jour les étoiles seront de nouveau alignées, et leur cité engloutie surgira du fond des mers et le Grand Cthulhu (le plus terrible d’entre eux, géant immonde et verdâtre au corps gélatineux, à la tête de poulpe et aux ailes de dragon, oui ça fait beaucoup pour un seul mais il est comme ça Cthulhu) reprendra possession de ce monde pour répandre sur les hommes folie et désolation...

     Réjouissant non ? Oui, Tonton Lovecraft avait vraiment un grain. 

     Mais il n’avait pas pensé à tout... Et oui, car, si le Grand Cthulhu voulait répandre son influence sur le monde, et en particulier sur la France... C’est par la gastronomie, qu’il fallait passer.

     D’où l’idée des... Meringues innommables de Cthulhu.


     Allons Monsieur Yeti, rassemblez vos poils et tenez-vous mieux, tenez-vous bien, car je vous sens fébrile. Vous avez faim... Et vous, mes Galufrots, vous vous dites : « Mais quand va-t-il s’arrêter de dégoiser pour se mettre à cuisiner... »

    Et bien soit... Cuisinons ! Cuisinons le sort indicible de l’humanité. Hua !! Hua ! Hua ! Hua ! (Rire effroyable).

Allons, Mademoiselle Ylang Ylang, vous dont les charmes de l’orient cachent, je le sais, une âme empoisonnée, telle la tubéreuse mortelle sous ses pétales trompeurs, approchez donc et aidez-moi à trier les ingrédients :



          Les ignobles Ingrédients :



     4 abjects blancs d’œufs.

     250 gr d’abominable sucre blafard

     1 pincée de sel de Kadath
(Kadath est une cité maudite perdue dans le désert)

     Quelques gouttes d’effroyable arôme de pistache.

     9 gouttes d’odieux colorant alimentaire jaune.

     2 gouttes de douteux colorant alimentaire bleu.



     Allons, vous Monsieur Yeti, et vous Miss Ylang Ylang, oui, même vous, misérable brelot, oui, vous, Mister Peanuts, venez avec moi, fidèles cultistes, et préparons l’instrument du retour de notre Maître !

     Prenons d’abords quatre œufs de poules sélectionnées par nos soins... Non, Monsieur Yeti, il est interdit de les plumer ! Elles sont le produit d’effroyables sélections génétiques remontant au temps où des grands sauriens dominaient le monde et ou les poules avaient des dents ! Et séparez une fois encore les jaunes des blancs ! Non ! Non Monsieur Yeti, ne jonglez pas !!! Vous venez de détruire le produit de 1000000 générations de poules sélectionnées... Imbécile hirsute que vous êtes ! Je devrais vous donner en pâture aux immondes chiens de Tindalos qui hantent les angles du temps ! Mais j’ai encore trop besoin de vous.

     Allons Miss Ylang Ylang, je ne peux compter que sur vos doigts agiles. Percez donc délicatement de vos ongles rouge de chine ces coquilles grumeleuses et séparez les déliquescentes substances l’une de l’autre... Enfin, versez les quatre blancs dans un grand saladier...

Et maintenant, vous notre empoisonneuse émérite, usez de vos talents pour verser dans cette substance translucide et gélatineuse, ces quelques gouttes de d’effroyable arôme de pistache... Ah ! Ah ! Ah ! Ainsi ils ne sentiront pas les investir la subtile essence de R’lyeh qui prendra possession de leur âme...

     Continuez donc en ajoutant à cette préparation les 9 gouttes de cet odieux colorant alimentaire jaune et les deux de douteux colorant alimentaire bleu qui procureront à notre insidieuse mixture cette couleur venimeuse et glauque qui est celle de notre Seigneur Cthulhu (que béni soient ses nombreux tentacules).

     Et attention, mademoiselle Ylang Ylang, de ne point vous versez dessus de ces filtres redoutables... cela pourrait flétrir votre beauté (et surtout celle de vos vêtements).
     


     Une fois achevée cette funeste préparation, et alors que se diffuse la vénéneuse présence de notre Maître, rajoutez-y donc une pincée de sel...

     Ensuite, laissez la place à Monsieur Yeti, car c’est de force et de vigueur que nous aurons besoin maintenant (si vous ne disposez pas d’un Monsieur Yeti, un batteur électrique fera l’affaire même si c’est moins Lovecraftien).

     Allons Monsieur Yeti ! Touillez ! Touillez ferme pour la gloire de notre Seigneur Cthulhu ! (prononcer Kthoulhou. Non c’est vrai quoi ! Faut pas faire n’importe quoi, un peu de sérieux que diantre, il pourrait se fâcher).

     Ah non ! Monsieur Yeti Battez moins fort ! Il ne va rien rester dans le bol mais tout sur vos poils ! Je vous avertis, si cous continuez, imbécile hyperpileux, je vous livre en pâture à des shoggots affamés (dans le jargon lovecraftien, le shoggoth est une sorte de gros tas de morve noire, plus ou moins conscient et très affamé, capable de ses transformer à volonté et de générer des yeux, des bouches, des tentacules, des bras... Très pratique quand on n’a pas de couteau suisse mais un peu salissant, et il faut le nourrir souvent...)
     Bon ça va, nous avons réussi à en sauver un peu, et nos blancs ont pris une bonne consistance, ils sont bien solides et bien verts... mais je vous ai l’œil !

     Grand Cthulhu ! Tu m’as donné les pires cultistes de la création... Pourquoi ! Pourquoi...

     Mais restez ici, Monsieur Yeti, espèce de mutant à poil laineux ! Nous n’en avons pas fini, car il va falloir, maintenant, intégrer, petit à petit, l’abominable sucre à votre blanc devenus vert... 

     Monsieurs Peanuts ! Approchez donc, rejeton dégénéré de quelques étreinte douteuse. Et pendant que notre pithécanthrope albinos continue de touiller, versez doucement et progressivement notre sucre blafard dans notre préparation... 

     Voilà... Il vit ! Il vit ! On peut presque déjà l’entendre respirer....

    


 Une fois le sucre intégré à la recette ne... Non ! Monsieur Yeti, non, ne dévorez pas l’indicible substance ! Elle n’est pas pour vous, vous qui avait servi les Mi-Go (sorte de champignons à forme de homards venus de la planète pluton, qu’ils nomment Yuggoth, les Mi-Go ont la détestable habitude, ou un curieux sens de l’humour, qui consiste à prélever les cerveaux humain pour les enfermer dans des cylindres où ils les conservent et peuvent les faire parler. Leur principale base sur terre aurait été le sinistre plateau de Leng que Lovecraft situe quelque part en Himalaya, ou en antarctique. Quand on vous disait que Tonton Lovecraft avait un grain.)

     Mademoiselle Ylang Ylang, réglez-moi donc, de vos doigts délicats, ce four sur 120° (ou thermostat 4)

     Maintenant, vous Monsieur Peanuts, oui vous, pathétique avorton d’union contre-nature, prenez un grand plat de métal ou même le lèchefrites du four. Découpez donc deux feuilles de papier cuisson et recouvrez-en le fond, puis, sans vous arrêter pour penser (vous n’avez pas été mis au monde pour ça), prenez deux grandes cuillères et prélevez des morceaux de votre verdâtre préparation et disposez les sur le papier en leur ménageant quelques espaces, car ils vont un peu se déployer, se développer... prendre forme et vie.

     Non ! Non ! Malheureux, ne les dévorez-pas même si vous en mourrez d’envie et qu’ils sont sucré et parfumé... Il faut les cuire !

     Enfournez les donc pour une heure... Une heure sera bien suffisant pour que nos innommables meringues deviennent irrésistible, avec une croûte craquante et trompeuse, mais dessous, le moelleux indicible de notre Seigneur Cthulhu qui se répandra en eux et les colonisera tout entier, en fera nos serviteurs dévoués ! Ah ! Ah ! Ah !Ah ! (nouveau rire démoniaque allant en s’éloignant).

     Maintenant, ne nous reste plus qu’à attendre... Attendre que nos graines d’apocalypse tentaculaires aient fini de chauffer en lisant un bon livre ou une bonne bande-dessinée... Par exemple : « Tellucidar » de Jean-Luc Marcastel ou bien « Le sanctuaire d’Halicarnasse » de Lionel Marty, ou encore « Le livre de Piik » de Cécile Brosseau... Ces trois terribles cultites tout dévoués à notre grand Cthulhu.... Mais chut !

     Ah ! Une heure est écoulée, et je sens ! Oui ! Je sens ce parfum doux, sucré, trompeur et cette fragrance subtile, sous-jacente, celle de la pistache, ce petit fruit vert... Vert comme notre Seigneur Chtulhu (gloire à ses nombreux tentacules).

     Allons Miss Ylang Ylang, notre fleur empoisonnée, revêtez votre plus belle robe pour les accueillir comme il se doit, et retirez du four ces immondes petits fragments verts de notre seigneur Chtulhu (louée soit son abjecte verditude) que nous laisserons refroidir et durcir avant de les recueillir... Regardez ! Ils bougent déjà ! Quand ils les mangeront, la croûte délicate se brisera, et leurs dents s’enfonceront dans le moelleux final, qui s’infiltrera en eux et le fera à la semblance de notre Maître... Alors ils s’envoleront de leurs ailes membraneuses et se lanceront à leur tour à la conquête de ce monde... et R’lyeh la verte sortira de sa tombe fangeuse et notre Seigneur Cthulhu (béni soit sa poulpitude !) régnera à nouveau sur ce pitoyable globe de terre... 

     Allons Miss Ylang Ylang ! Allons, prenez donc ces magnifique petit fragments de cauchemar dont je vois déjà s’agiter quelques petits tentacules, et portez les en présent à nos ignobles voisins, venant de vous, ils ne pourront nous les refuser... Hin ! Hin ! Hin !

     Nous entamerons dès demain la phase de production industrielle.

     Aujourd’hui Aurillac, demain....



     Laï ! Laï Cthulhu Ftagn !







4 commentaires:

  1. Au secoursssssssssssssssss la quantité de sucre n'est pas indiquée et est ce du sucre cristallisé ou glace ???
    je riais tant à la première lecture que je n'avais pas remarqué cet oubli !

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    1. Si Josette dans les ingrédients : 250 gr.

      Et ravi de vous faire rire.

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    2. Si Josette dans les ingrédients : 250 gr.

      Et ravi de vous faire rire.

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    3. c'est le blafard qui a du m'éblouir...
      Merci pour ces recettes qui me donnent presque envie d'aller dans ma cuisine

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